La compagnie est mieux que la solitude [ Yuui' & Ana']

Anor, la forêt de mon royaume où les combats étaient fréquents mais pas mortel. D’un côté, même si je venais ici pour me divertir, cela ne m’apportait aucun plaisir car les bêtes qui effraient tant les villageois ne sont d’aucun danger pour moi qui est reçu un entraînement spécial. Cet entraînement était là pour me permettre de protéger ceux que j’aime mais aussi ma propre vie des attaques de brigands et autres. J’aimerais rencontrer des monstres un peu plus difficile à vaincre que ceux-ci. Aujourd’hui, je n’étais pas venu pour tuer ou vaincre un animal, j’étais juste là pour me balader avec mon vieil ami, Tae. Ce loup qu’on m’avait offert dans mon jeune âge et qui était devenu un compagnon fidèle et loyal avec qui je faisais tout, on ne se quittait jamais et personne ne me séparera de lui. Bref, vous l’aurez compris, lui et moi sommes inséparables.

Ma concentration changea rapidement, fini le rappel du passé, un cri strident me fit rappeler à l’ordre. Tae me prévient qu’il y en avait plusieurs mais qu’il n’avait pas l’air d’avoir senti sa présence, c’est vrai qu’inconsciemment, je me mettais toujours face au vent pour éviter d’être senti vu que leur odorat était fort développé. Même si mon épée était prête, je restais calme et j’observais silencieusement ces drôles de bêtes, même si leurs attaques groupées avaient l’air perfectionné et stratégique, leur faiblesse était bien trop voyante pour pouvoir me poser un quelconque soucis. Je l’ai découvert en les observant comme aujourd’hui, leur coutume, leur alimentation, leur sociabilité entre eux même si parfois, on se demande s’ils sont vraiment « sociables » entre eux vu leurs réactions barbares et violentes. Après quelques minutes à les observer sans être repérés, je décidais de m’en éloigner de les laisser tranquille, je me dirigeais vers une petite trouée où se trouvait une pierre assez haute et large où j’allais souvent m’asseoir au sommet pour mieux observer ce qui m’entourait.

Le silence régnait et hormis les cris des bêtes, rien n’avait l’air de vouloir rompre ce silence. Tae était allongé au pied du rocher tandis que moi, j’observais les jambes croisés assis au sommet de celui-ci, les alentours en me demandant si de la compagnie, j’aurais.

J’ai souvent entendu le nom de cette forêt. Anor. Beaucoup disent qu’elle serait hantée. Que les bêtes sauvages sont occupées par des esprits malfaisants. Des démons traquant chaque âme perdue. Qui les avalent et ne les relâchent jamais. Tels étaient les contes que l’on racontait aux enfants. Simplement pour les éloigner de ce que beaucoup craignaient. Même les adultes n’osaient s’en approcher, traumatisé dans leur jeunesse par des histoires d’horreurs sans noms. Je me souviens encore de ma tendre jeunesse où ma nounou me bordait chaque soir, me rassurant sur les dangers qui guettaient à l’extérieur de l’enceinte, et comme, à l’inverse, elle m’effrayait la journée durant. Je ne pus retenir un sourire à cette pensée. Maintenant, Nounou était morte. J’avais dix ans que cela était arrivé, elle était vieille et s’était éteinte durant son sommeil. Comme toutes les personnes âgées. Sans être ma mère, elle s’était comportée sans cesse comme celle-ci. Elle avait toujours tout fait pour me protéger et m’éduquer, elle me grondait, me réprimandait dès que je m’étais un pas de côté. Elle fut presque comme une confidente dans certains instants de ma vie. Cette forêt me rappelait plusieurs de ses souvenirs et tandis que j’étais à son orée, je repensais à ces moments où elle était encore là, tandis qu’elle me grondait pour une raison ou une autre. Elle n’aurait pas apprécié cette escapade. Je l’avais déjà courir derrière mes sabots, tentant vainement de m’arrêter dans ma folle entreprise.

Talonnant Shadow, j’entrai finalement dans la forêt. Interdite par mes ancêtres, comme une frontière entre deux Royaumes, je soupirai en ne sentant nullement une présence à mon entrée. Les histoires racontées devenaient soudainement des mensonges, des racontars de vieillards séniles. Avec une certaine autosatisfaction, comme si j’avais bravé un danger imposé par les miens, je souriais narquoisement. Evitant les branches qui cachaient le chemin de gibier, j’avançai à pas lent, scrutant la lourde pénombre, craignant malgré tout une redoutable attaque de quelques prédateurs. Je redoutais un piège des paysans locaux qui auraient pu avoir eu vent de ma transgression par un quelconque sortilège. Restant ainsi sur mes gardes, fouillant du regard chaque coin de la forêt, je faisais aller mon destrier au pas. Il l’était devenu quelques mois plus tôt, devenant mon premier cheval. Il m’avait été offert par mon père qui ne souhaitait pas que je me promène sans une monture adéquate. C’est ainsi qu’il avait cherché dans les écuries un animal sombre et qu’il me l’avait donné. Son allure ténébreuse lui avait valu son nom. Tandis que je lui caressai l’encolure pour le rassurer, je continuais de m’enfoncer dans les profondeurs. Une main sur ma garde, je restais vigilant, me sentant épié.

Alors que je scrutai encore mes alentours, ce fut le cri perçant d’un corbeau qui me fit sursauter, tandis que Shadow hennissait au point que je faillis en tomber, me rattrapant sur le fil. Jurant un instant, maugréant ce maudit volatile qui avait créé une frayeur chez mon compagnon et moi. Finalement, nous reprîmes notre marche, étant descendu de mon cheval pour le guider dans cette obscurité. Lui murmurant quelques doux mots à l’oreille, je le rassurai à ma façon. La lumière nous frappa, découvrant un autre paysage. Plus léger. Plus agréable à la vue. Lui caressant encore l’encolure, nous découvrîmes rapidement un étrange homme, accompagné d’un loup. Son allure me signalait que je le reconnaissais. Je n’aurais su dire où j’avais pu le croiser.

_ Salut à toi, voyageur. J'espère ne pas déranger ta quiétude.